
Les déterminants de la ségrégation spatiale des populations peuvent s’expliquer de deux manières.
D’une part, la théorie de Tiébout (1956) expose que les ménages « votent avec leur pieds » : ils sélectionnent le lieu de résidence qui leur fournira la meilleure combinaison de biens publics et d’impôts. En conséquence, un tri s’opérera naturellement entre les ménages, générant des communautés homogènes basées sur leur demande en termes de biens publics. Or, la demande en biens publics étant dépendante du revenu, ces communautés seront homogènes en termes de niveau de revenu.
D’autre part, l’expansion de la ville, en étendant le champ des possibles, permet effectivement l’expression des préférences de voisinage des individus, qui induisent généralement un regroupement « entre soi ». Ce type de comportement a été observé aux États-Unis où les classes dominantes ont délaissé certains quartiers lorsque la proportion de population d’autres origines ethniques y dépassait un certain seuil ; il a donné naissance à la théorie dite du « White flight ». Jacques Lévy travaille également sur des modèles théoriques mettant en évidence l’impact des préférences individuelles sur la forme urbaine, la capacité à accepter un voisinage aux niveaux de revenu variés permettant un moindre niveau d’étalement de la ville. J. Cavailhes souligne par ailleurs le rôle de la baisse du coût de transport qui, via l’extension des villes qu’elle a suscitée, a accentué la séparation dans l’espace des classes sociales.
En fin de compte, le lien de cause à effet entre étalement et ségrégation sociale n’est pas évident : la ségrégation est un des moteurs-mêmes de l’étalement et, en même temps, l’étalement, qui s’explique par d’autres facteurs que la ségrégation, permet sa mise en place. De surcroît, l’étalement ne jouerait pas nécessairement dans un sens uniquement négatif puisqu’il « atténue la pression foncière et permet d’affaiblir la force des mécanismes d’exclusion par les prix. ». (Guillaume Pouyanne, Étalement urbain et ségrégation socio-spatiale, une revue de la littérature, 2006)
in Étalement urbain,18 janvier 2010